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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 22:15

Lectures de Baudelaire (1)

 

S’il est pertinent d’opposer ou du moins de distinguer, ainsi que Pierre Macherey l’a proposé le fait d’être moderne, c’est-à-dire le fait d’appartenir à une époque historique déterminée sur le mode d’une condition temporelle passivement subie, et la conscience de modernité comme l’effet d’une disposition active de l’homme moderne qui le conduit à interroger son mode d’être en vue d’en extraire une analyse ou une interprétation de sa propre identité présente, alors il faut bien admettre que l’œuvre de Charles Baudelaire se situe du côté de cette seconde catégorie dans la mesure où elle s’attache précisément à circonscrire les conditions de constitution de la modernité en l’expérimentant aussi bien sur le plan “théorique” de la réflexion critique (dans les Salons et autres essais esthétiques) que sur le plan directement poétique de son élaboration et de ses expressions littéraires (dans Les Fleurs du Mal ou les Petits poèmes en prose). D’ailleurs, Baudelaire n’est-il pas l’inventeur du mot même de “modernité” dont il risque la formulation en 1859 dans “Le peintre de la vie moderne” en en faisant véritablement le mot d’ordre et le dénominateur commun d’une esthétique et d’une poétique nouvelles , centrées sur une prise de conscience sans précédent du rapport apparemment contradictoire entre la beauté et la dimension du présent. Un tel rapport est particulièrement explicité dans les célèbres déclarations, à valeur d’injonctions programmatiques dont Baudelaire émaille son essai sur Constantin Guys :

 

Le plaisir que nous retirons de la représentation du présent tient non seulement à la beauté dont il peut être revêtu, mais aussi à sa qualité essentielle de présent .

 

Ou encore :

 

Cet élément transitoire, fugitif, dont les métamorphoses sont si fréquentes, vous n’avez pas le droit de le mépriser ou de vous en passer .

 

Autrement dit, la modernité correspond selon Baudelaire à un nouvel impératif artistique qui consiste à soumettre l’exigence traditionnelle de la beauté à celle d’une “représentation du présent” en tant que tel. Le beau, qui était la clef de voûte de l’esthétique classique, devient donc l’effet de la constitution de l’œuvre d’art moderne qui se signale avant tout par sa capacité à saisir dans le trait d’un dessin ou dans le rythme d’un vers ce qu’il y a de “transitoire” et de “fugitif” dans le présent et qui constitue, de manière paradoxale, l’essence même de ce présent. Dans ces conditions, l’artiste est logiquement haussé au rang de véritable héros de la vie moderne dans la mesure où, au lieu d’être simplement pris dans les fréquentes métamorphoses de la réalité, et de s’y complaire passivement, il cherche à les “représenter” activement, donc à s’en écarter suffisamment pour parvenir à révéler la beauté originale que de telles métamorphoses peuvent receler intrinsèquement, – cette beauté “bizarre”, qui échappe au premier regard tout autant qu’elle s’écarte des canons figés de la beauté classique, pour “satisfaire aux exigences d’un idéal de nouveauté sans cesse renouvelé” . L’esthétique moderne, comme esthétique de la modernité, s’alimente donc à cette tension, repérée et exploitée par Baudelaire avec une lucidité particulière, entre l’idéal et le nouveau, entre l’intemporel et le présent. Cela signifie aussi que la poétique de la modernité procède d’une esthétisation du quotidien, dans la mesure où elle prend appui sur le phénomène de la mode, c’est-à-dire le phénomène d’une nouveauté sans cesse en voie de péremption, pour appréhender non seulement sa modernité, sa “qualité essentielle de présent”, mais la beauté propre à cette évanescence du présent, sa valeur proprement esthétique qui hausse le phénomène jusqu’à sa propre essence. L’art du poète ou du peintre de la vie moderne consiste ainsi dans une expérience complexe qui combine la conscience historique du présent et la conscience esthétique du beau :

 

La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable .

 

L’œuvre d’art moderne se distingue par conséquent de l’œuvre d’art classique et romantique en ce qu’au lieu de se perdre “dans le vide d’une beauté abstraite et indéfinissable, comme celle de l’unique femme avant le premier péché” , elle se forme à partir d’une beauté concrète, déterminée, conquise à même ces éléments fuyants, produits par et dans le mouvement quotidien de l’histoire, et qui lui assurent sa valeur proprement esthétique. Si “le beau est toujours bizarre” , c’est justement qu’il ne procède pas d’une épuration idéalisante ou universalisante du réel contingent, négligé ou embelli selon une procédure d’abstraction qui vaudrait comme une pratique de dénégation, mais qu’il exprime désormais l’universalité et la nécessité du contingent lui-même, c’est-à-dire son irréductibilité. Ève doit désormais sa beauté à sa chute dans un monde moderne, – monde profane et quotidien. De cette manière, la modernité poétique et esthétique dont Baudelaire dessine les contours n’est nullement “une variante tardive de l’antithèse platonicienne et chrétienne entre le temps et l’éternité, dont le romantisme encore avait usé et abusé” . Car, plutôt que de se fonder sur la résolution de ces contradictions comme dans le platonisme de l’esthétique classique qui en escamote l’un des termes au profit de l’autre, elle explore plutôt la tension dialectique qui les anime et qui anime le présent et le réel eux-mêmes, – tension dont la formule de Rimbaud “Il faut être absolument moderne” manifeste encore l’exigence paradoxale.

La poétique de la modernité dont Baudelaire se fait le héraut prend de cette manière une double signification : elle implique d’abord qu’il y a du poétique dans la modernité, et ce poétique est ce qui soustrait le transitoire de la mode à sa facticité en lui donnant un sens et une valeur proprement esthétiques ; mais il y a aussi une poétique de la modernité au sens où la vie moderne elle-même est reconnue, envisagée comme le terrain privilégié d’exploration et d’ajustement de formes poétiques nouvelles, susceptibles de répondre aux exigences particulières de l’expérience moderne : les poèmes en prose élaborent ainsi une forme langagière inédite, à la fois “assez souple” et “assez heurtée” (selon les termes mêmes de Baudelaire ) pour répondre aussi bien aux mouvements lyriques de l’âme (et à sa vocation poétique) qu’aux chocs soudains subis par la conscience au contact de la grande ville et de ses incessantes métamorphoses.

C’est d’ailleurs sans doute parce qu’elle s’accompagne d’une réflexion approfondie sur les conditions matérielles et formelles de sa propre pratique poétique que l’œuvre de Baudelaire marque un tournant ou une rupture décisives, et qu’elle reçoit même le statut d’une véritable “origine”, à laquelle devrait donc être reconduit l’ensemble du travail poétique mené depuis elle, c’est-à-dire aussi d’une certaine manière à partir d’elle. Quoi qu’il en soit de cette assignation rétrospective de la modernité poétique de Baudelaire au rang mythique d’une origine, il est clair en tout cas qu’avec son œuvre s’opère, à vif, un véritable diagnostic de la modernité, d’autant plus intéressant ou stimulant d’ailleurs qu’il concerne aussi bien ses aspects strictement esthétiques et littéraires (avec le changement de paradigme esthétique qui conduit à une réévaluation de la nature du beau et avec le réaménagement des principes formels de l’écriture et du “style” poétiques) que ses aspects socio-politiques – dans la mesure où l’artiste n’est plus exclu du monde social et en rapport direct avec l’absolu, mais plongé dans la foule de ses semblables, au cœur de la réalité quotidienne et urbaine, pour en extraire la vérité poétique. Il n’est pas étonnant alors que l’œuvre de Baudelaire, avec ses multiples dimensions, ait été si mal comprise, si décriée par ses contemporains, et qu’elle ait aussi suscité autant d’intérêt chez les écrivains ou philosophes qui, avec un certain recul, se sont fixés pour tâche d’esquisser à leur tour les contours et d’explorer les différentes facettes d’une modernité en crise, par définition instable, dont les formes mouvantes méritent par conséquent d’être sans cesse repensées.

C’est dans cette perspective manifestement que Walter Benjamin, dans les textes écrits à la fin des années trente et rassemblés dans le volume intitulé Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme  et Michel Foucault, dans les quelques pages qu’il consacre au “Peintre de la vie moderne” dans la conférence américaine de 1984 sur “Qu’est-ce que les Lumières ?”  se sont attachés à situer l’œuvre, la pensée et la vie de Baudelaire, élevées pour l’occasion au rang de symptômes d’une attitude de modernité dont ils proposent de faire à nouveau le diagnostic en vue de réactiver une démarche d’analyse critique du présent. Entre ces deux études, clairement orientées vers la question de la modernité, on peut se demander alors quel sort il convient de réserver à la longue introduction que Jean-Paul Sartre a consacrée en 1947 aux Écrits intimes de Baudelaire  où l’interrogation se déplace clairement du côté d’une analyse existentielle, cherchant à remonter des confidences les plus personnelles de Baudelaire à ses proches jusqu’au choix fondamental d’être poète qui anime et oriente toutes ses conduites, sur le plan personnel comme sur le plan poétique. En quoi le Baudelaire de Sartre, qui focalise donc l’attention sur la personnalité du poète, peut-il encore concerner une interrogation sur la modernité ? Cette question ne peut à notre avis être résolue qu’en repartant des analyses de Benjamin dont Sartre et Foucault offrent chacun à leur manière (et sans doute pour une large part à leur insu) un prolongement original, qui définit des prises de position opposées sur le thème et les usages de la modernité. Par conséquent, plutôt que de procéder à la simple juxtaposition des lectures de Baudelaire qu’ont pu proposer Benjamin, Sartre et Foucault , il paraît plus judicieux de procéder à leur confrontation en tentant de clarifier par là l’intérêt ou le désintérêt que ces trois penseurs portent, à travers la figure paradigmatique de Baudelaire et à travers le prisme de son œuvre, à la question de la modernité et plus précisément au thème général, et ambigu, de sa crise ou de sa “critique”.

 

Essayons donc d’abord de comprendre en quoi l’expérience poétique et l’ensemble de la réflexion esthétique et critique de Baudelaire prennent une place tout à fait privilégiée dans l’archéologie de la modernité que propose Benjamin dans ce livre inachevé intitulé Charles Baudelaire . De fait, le projet même du livre sur Baudelaire paraît indissociable de cet autre grand projet intitulé Paris, capitale du XIXe siècle. Le livre des Passages, dont Benjamin confie à Horkheimer que le premier en est comme le “modèle-miniature” . En effet, le Passagenwerk se présente comme une analyse des manifestations culturelles du capitalisme. Il s’agit donc de montrer “l’expression de l’économie dans la culture” , et tout particulièrement de montrer comment cette expression se laisse saisir sur le vif dans les “passages parisiens”, construits au début du XIXe siècle qui livraient aux regards émerveillés des passants les vitrines de magasins et de café, bénéficiant le soir des premiers éclairages au gaz. Ce travail à l’intersection de la sociologie et de l’analyse philosophique devait également permettre de cerner les effets produits par les aménagements urbains du Baron Haussmann sur les comportements des passants . On saisit alors un peu mieux de quelle manière la figure de Baudelaire, l’auteur des “Tableaux parisiens”, du Spleen de Paris et le traducteur deL’Homme des foules de Poe, a pu s’intégrer à un tel projet qui vise en un sens à analyser les formes nouvelles d’expérience induites par la modernité urbaine, tout particulièrement celle de Paris à partir du second Empire. D’une certaine façon, la poésie baudelairienne offre un témoignage saisissant de cette modernité. Mais en faisant de la grande ville un objet de poésie lyrique, elle participe aussi directement à l’émergence d’une esthétique de la foule dont Benjamin s’attache précisément à analyser les conditions de constitution.

Cette analyse tend à privilégier la figure du “flâneur”, figure coextensive aux métamorphoses de la grande ville qui forment l’espace mouvant où se cristallisent les fantasmagories  propres à l’émergence de la société capitaliste moderne. Comment alors cette figure du flâneur vient-elle se superposer à celle du poète pour devenir l’emblême de l’homme moderne ? C’est que le poète occupe avant tout une position ambiguë dans laquelle se réfléchit la tension propre à l’expérience de la modernité : s’il cherche “un refuge dans la masse de la grande ville” , c’est pour s’isoler et se séparer d’elle au moment même où il la “coudoie” ; il est celui qui, dans ses déambulations, enregistre les métamorphoses de la physionomie urbaine, se fait le chroniqueur du nouveau rythme de la ville, de la culture de l’éphémère et du fugitif qui en forme l’expression, mais il est aussi celui qui sait percer à jour le pouvoir d’illusion et les impasses de cette fantasmagorie culturelle. Du coup, Benjamin souligne la distance imperceptible séparant la description que donne le poète du flâneur marchant dans la ville, au milieu de la foule des passants et des badauds, et “un trait significatif du véritable Baudelaire - c’est-à-dire de celui qui se consacre à son œuvre. Ce trait, c’est la distraction. Avec le flâneur le plaisir de voir célèbre son triomphe. Il peut se concentrer dans l’observation - cela donne le détective amateur ; il peut stagner dans le simple curieux - alors le flâneur est devenu un badaud. [Or] Les descriptions révélatrices de la grande ville ne sont le fait ni de l’un, ni de l’autre. Elles sont le fait de ceux qui ont traversé la grande ville en état d’absence, perdus dans leurs pensées ou leurs soucis . Le poète est donc un flâneur d’un type particulier, un flâneur distrait  qui est comme absent au spectacle urbain qui se déroule sous ses yeux et qui occupe les autres passants. Or, par un effet paradoxal de cette présence-absence, son regard plein d’“attention inattentive, involontaire”, atteint l’envers du décor, il recueille en quelque sorte le “négatif” de la ville dont il traverse les apparences pour en atteindre et en révéler l’essence même, – l’essence caduque et transitoire d’une réalité parfaitement contingente, qui tend à s’effacer derrière les gestes et les attitudes stéréotypés de la foule en mouvement. La distraction fait donc du poète un flâneur lucide, distinct des autres par cette “faculté de catalepsie” qui le rend particulièrement sensible à la beauté nouvelle qui peut surgir “des chocs et des conflits quotidiens de la civilisation” et du monde modernes.

C’est à partir de cette catégorie du “choc” que Benjamin, dans le volet central de son livre, reconstruit la figure de Baudelaire, comme poète moderne et poète héroïque de la modernité : “Baudelaire a situé l’expérience du choc au cœur de son travail d’artiste” . Or, cette expérience procède directement du “contact avec les masses qui habitent les grandes villes” . Car selon Benjamin, la circulation et les déplacements des individus dans les rues de la ville  moderne se trouvent de plus en plus conditionnés par “une série de chocs et de heurts. Aux carrefours dangereux, les innervations se succèdent aussi vite que les étincelles d’une batterie. […] L’homme d’aujourd’hui regarde autour de lui pour s’orienter parmi les signaux de la circulation. Ainsi la technique a soumis le sensorium humain à un complexe d’entraînement” . La ville associe ainsi la sauvagerie de ces heurts successifs à la forme disciplinée de comportements mécanisés, de réflexes conditionnés. Ainsi que le note Edgar Allan Poe dans L’Homme des foules à propos de cette nouvelle forme d’expérience dont Baudelaire devait tirer toutes les conséquences poétiques : “Quand on heurtait [les passants], ils saluaient bien bas ceux qui les avaient heurtés” . L’analyse de Benjamin qui reprend et prolonge ici clairement certaines réflexions de Georg Simmel dans son essai “Métropoles et mentalités”, replace cette description de la foule et du “mécanisme social” (comme disait Valéry ) qu’elle incarne, dans une perspective plus large qui permet de mieux saisir le rapport de l’auteur des “Tableaux parisiens” à la modernité. En effet, il observe d’abord que l’expérience moderne de la foule étend ses effets disciplinaires à l’ensemble des domaines de la vie culturelle et sociale : ainsi les collisions des passants sur le boulevard trouvent leur corrélat dans “le déclic instantané du photographe”  et préparent le cinématographe, où “la perception traumatisante a pris valeur de principe formel”  ; de même “par la fréquentation de la machine, les travailleurs apprennent à «adapter leurs mouvements au mouvement continu et uniforme de l’automate» (Marx, Le Capital, trad fr., I, t.2 p.103)” . Le travail industriel, soumis à la pure répétition de gestes machinaux, de processus automatiques, est ainsi l’expression moderne de cette dégradation de l’expérience qui aboutit à plonger le travailleur, le spectateur de cinéma, mais aussi le joueur dans une sorte d’hébétude face à des chocs que leur conscience se contente d’absorber et d’incorporer passivement :

 

Le processus qui détermine, sur la chaîne d’usine, le rythme de la production, est à la base même du mode de réception propre aux spectateurs de cinéma .

 

Et un peu plus loin, développant encore cette chaîne d’équivalence, Benjamin écrit :

 

Les gestes que provoque chez le salarié industriel le processus automatique du travail se retrouvent aussi dans le jeu qui exige un rapide mouvement de la main pour déposer une mise sur le tapis ou pour jeter une carte. Ce qui est «saccade» dans le mouvement de la machine s’appelle «coup» dans le jeu de hasard. Si le geste du travailleur qui actionne la machine est sans lien avec le précédent, c’est justement parce qu’il n’en est rien de plus que la stricte répétition. Chaque mouvement est ainsi séparé de celui qui l’a précédé qu’un coup de hasard d’un autre coup. Aussi bien, la corvée du salarié est-elle, à sa manière, l’équivalent de celle du joueur. Les deux sont aussi vides de contenu .

 

Se dégage ainsi clairement une opposition entre deux formes d’expérience dont la dénivellation caractérise en propre l’émergence de la modernité – d’une modernité que Benjamin et Baudelaire ont en partage : à une expérience fondée sur la continuité d’une action dont les moments et les contenus sont interconnectés (comme dans le travail artisanal selon Marx) s’oppose en effet la discontinuité d’une expérience fondée sur le dressage des corps dans les à-coups d’une automatisation de l’activité humaine sous toutes ses formes :

 

Le choc en tant que forme prépondérante de la sensation se trouve accentué par le processus objectivisé et capitaliste du travail. La discontinuité des moments de choc trouve sa cause dans la discontinuité d’un travail devenu automatique, n’admettant plus l’expérience traditionnelle qui présidait au travail artisanal. Au choc éprouvé par celui qui flâne dans la foule correspond une expérience inédite : celle de l’ouvrier devant la machine  .

 

Or, si la métamorphose de l’activité de travail, telle que l’a analysée Marx, paraît constituer à certains égards le paradigme commode de cette dénivellation moderne de l’expérience humaine (de sorte que Baudelaire peut légitimement être désigné comme “un poète lyrique à l’apogée du capitalisme”), c’est pourtant à partir d’une lecture d’Au-delà du principe de plaisir de Freud que Benjamin propose d’analyser les ressorts psychiques (et non plus seulement matériels) de cet appauvrissement généralisé de l’expérience dont la poésie de Baudelaire dresse héroïquement le constat. En effet, Freud part du principe selon lequel “la conscience naîtrait là où s’arrête la trace mnésique” . Par conséquent, la conscience ne contiendrait aucune trace mémorielle, mais sa fonction serait plutôt de protéger des sensations, de parer au choc en incorporant l’événement qui l’a provoqué à la conscience elle-même. C’est de cette manière, que, dans la grande ville, les expériences de choc finissent par engendrer l’indifférence et l’oubli :

 

A mesure que l’élément de choc se fait davantage sentir dans les impressions singulières, il faut que la conscience se défende de façon plus continue contre l’excitation ; mieux elle y réussit et moins les impressions particulières pénètrent dans l’expérience, mais plus important aussi devient, par là même, le rôle de l’expérience vécue .

 

Or, pour Benjamin, cette assimilation défensive des chocs par la conscience tend ni plus ni moins à “[stériliser] l’événement pour l’expérience poétique”  et finalement à occulter, à refouler même, l’ “expérience” véritable (Erfahrung), celle qui procède des profondeurs de la mémoire, au profit d’une expérience vécue (Erlebnis) qui n’en est que la forme affaiblie ou amortie, discontinue . Cette occultation vise donc à parer l’impact traumatisant des sensations, à pallier ses effets à la fois uniformisants et aliénants qui sont au coeur de la vie moderne (puisqu’ils sont à l’œuvre partout dans la ville, dans la foule, dans les usines, dans les salles de jeux). Par contraste, le poète est le témoin privilégié de ce processus de dégradation généralisée de l’expérience , ce qui ne signifie sans doute pas qu’il y échappe, mais bien au contraire que sa poésie s’y enracine et s’en nourrit, comme d’une contradiction insoluble. Si “Baudelaire a situé l’expérience du choc au cœur de son travail d’artiste”, c’est bien que cette expérience le hante littéralement, et produit en lui une réaction poétique qui vaut comme une réaction post-traumatique : la “fantasque escrime”  qui met le poète aux prises avec les ressources du langage est le combat qu’il mène contre l’engourdissement de sa conscience ; il pare les chocs en leur opposant “la parade de son être spirituel et physique” . Traumatophile davantage que traumatophobe , il cherche à “mesurer ce que signifie en réalité la catastrophe dont il était lui-même, en tant qu’homme moderne, le témoin” . La modernité de Baudelaire consiste donc à trouver les moyens poétiques de capturer “l’expérience catastrophique de la ville” , d’inventer les mots et le rythme capables d’exprimer la crise du monde moderne. Le poète est alors celui qui est capable de retourner la discontinuité de l’expérience vécue en principe poétique : “L’expérience du choc est de celles qui furent déterminantes pour la facture de Baudelaire” . Autant dire que la défense contre le choc prend l’allure d’un véritable combat qui ébranle les vers de Baudelaire, fait même défaillir leur métrique, et leur confère ainsi une irrégularité telle que parfois il semble que “le mot s’écroule sur lui-même” .  Ainsi l’expérience du promeneur solitaire dans la foule vaut directement comme une expérience poétique au sens d’une mise à l’épreuve de la poésie et de ses possibilités expressives. C’est l’expérience vécue du choc qui doit fournir au poème non seulement sa matière mais aussi sa forme, quitte à renouveler en profondeur celle-ci pour l’ajuster aux impératifs de la conscience moderne. C’est dans cette perspective que Baudelaire lui-même présente à Arsène Houssaye le projet des poèmes en prose du Spleen de Paris :

 

Quel est celui d’entre nous qui n’a pas rêvé le miracle d’une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ? C’est surtout de la fréquentation des villes énormes, c’est du croisement de leurs innombrables rapports que naît cet idéal obsédant .

 

L’obsession de Baudelaire est donc de rendre compte, jusque dans le langage poétique, de l’image du choc qui procède de son contact avec la foule de la grande ville . Sa modernité poétique tient alors selon Benjamin à ce qu’il sait “le prix que l’homme moderne doit payer pour sa sensation : l’effondrement de l’aura dans l’expérience vécue du choc” . En effet, l’aura correspond à “l’apparition unique d’un lointain” , par essence inapprochable. Elle instaure entre un objet et le regard qui se porte sur lui une distance infranchissable, apte à faire surgir par le biais de la contemplation ou du culte une image idéale qui, par un singulier renversement de perspective, a le pouvoir de répondre (par  une attention ou un regard) à celui qui la contemple :

 

L’expérience de l’aura repose donc sur le transfert, au niveau des rapports entre l’inanimé – ou la nature – et l’homme, d’une forme de réaction courante dans la société humaine. Dès qu’on est – ou qu’on se croit – regardé, on lève les yeux. Sentir l’aura d’une chose, c’est lui conférer le pouvoir de lever les yeux .

 

Or, à l’époque de la reproduction mécanisée de l’art, à l’époque où l’homme moderne est soumis dans sa vie quotidienne à des conduites automatisées à une proximité angoissante avec ses semblables, et à la multiplicité des chocs qu’engendre la grande ville, il n’y a plus aucune aura qui se fait sentir : il ne reste plus, au cœur de la foule, que des “yeux sans regard”, des yeux qui “ont perdu pour ainsi dire le pouvoir de regarder” . Baudelaire se présente de ce point de vue comme le poète du déclin de l’aura , et des formes d’expérience culturelle (le travail artisanal, l’exercice) et cultuelle qui lui était associées : il est la conscience vive, lucide et désespérée (spleenétique), de cet effondrement qui, au cœur du monde moderne, affecte toutes les dimensions de l’expérience humaine. Mais la rage de Baudelaire, sa “rogne”, se nourrit de son impuissance, et elle aboutit à faire de la “perte d’auréole” qu’il décrit lui-même dans la pièce en prose éponyme, le principe même d’une  poétique du choc, de l’instantané, dont l’allégorie formerait en quelque sorte le ressort formel . En effet, comme le note Régine Robin, “à l’unité harmonique du symbole, à la totalité ou au fantasme de totalité qu’il déploie, Benjamin oppose dans l’allégorie, le règne du fragment amorphe, sans signification, l’histoire comme déclin, […] l’œuvre partielle dont la cohérence ne réside plus qu’en elle-même” . Le poète moderne se fait donc l’allégoricien d’un monde en crise, en ruines même, dont il cherche à capter la redoutable contingence, à saisir l’essence transitoire. Car si la réalité se donne désormais sous la forme de morceaux épars, de traces d’où toute aura s’est absentée, il ne reste plus au poète qu’à laisser son auréole “dans la fange du macadam” et à se faire “chiffonnier”, inlassable récupérateur et collectionneur dérisoire des fragments de la vie moderne :

 

Voici un homme chargé de ramasser les débris d’une journée de la capitale. Tout ce que la grande cité a rejeté, tout ce qu’elle a perdu, tout ce qu’elle a dédaigné, tout ce qu’elle a brisé, il le catalogue, il le collectionne. Il compulse les archives de la débauche, le capharnaüm des rebuts. Il fait un triage, un choix intelligent. Il ramasse comme un avare un trésor, les ordures qui, remâchées par la divinité de l’industrie, deviendront des objets d’utilité ou de jouissance .

 

L’“archéologie” de la modernité doit donc s’entendre ici comme cette activité laborieuse de collecte, de fouille, de bricolage des mots et des choses qui met au jour la part maudite de la vie moderne, et en extrait, par le biais d’une opération poétique, un or nouveau à l’éclat  inconnu. A travers cette figure du chiffonnier, le poète apparaît comme celui qui retourne contre la modernité ses propres pouvoirs – ou sa propre impuissance : à l’appauvrissement de l’expérience qui résulte du contact avec les masses dans les grandes villes (ces masses ne produisent au fond que des déchets) répond en effet la tâche héroïque (parce que vouée à l’échec) d’assembler ou de bricoler des objets poétiques qui témoignent seulement de la puissance d’évocation d’une réalité en voie de fragmentation ou de détotalisation . Le beau est bizarre parce qu’il s’impose là où on ne l’attendait pas et parce qu’il oppose l’excentricité de l’allégorie et la charge concrète des mots de tous les jours, de la rue, aux images rassurantes et lisses de la “civilisation” et du “progrès” modernes.

Voir l’exposé de Pierre Macherey : « " Il faut être absolument moderne " : la modernité, état de fait ou impératif ? », disponible sur le site de l’U.M.R. “Savoirs, Textes, Langage” à l’adresse suivante : http://stl.recherche.univ-lille3.fr/seminaires/philosophie/macherey/macherey20052006/macherey28092005cadreprincipal.html.

Ces deux plans d’expérimentation de la modernité sont clairement présentés dans le livre de Dominique Rincé,Baudelaire et la modernité poétique, Paris, PUF, “Que sais-je” n°2156, 1984.

Voir la mise en perspective proposée par H. R. Jauss dans son essai sur “La «modernité» dans la tradition littéraire”, inPour une esthétique de la réception, trad. fr., Paris, Gallimard, 1978. Selon Jauss qui suit ici le Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française de P. Robert, c’est dans les Mémoires d’Outre-Tombe de Chateaubriand que se trouverait la plus ancienne occurrence du terme “modernité” (op. cit., p.158 et p.199, note 118).

Charles Baudelaire, “Le peintre de la vie moderne”, in Critique d’art, Paris, Armand Colin, “Bibliothèque de Cluny”, 1965, vol. 2, p.440.

Ibid., p.453.

H.R. Jauss, op. cit., p.197.

Charles Baudelaire, “Le peintre de la vie moderne”, op. cit., p.452.

Ibid., p.453.

Charles Baudelaire, “Exposition universelle de 1855. I. Méthode de critique”, in Critique d’art, vol. 1, p.189.

H.R. Jauss, op. cit., p.200.

“Dédicace” à Arsène Houssaye, in Le Spleen de Paris.

Walter Benjamin, Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme, trad. fr. J. Lacoste, Paris, Payot, 1982.

Michel Foucault, “What is Enlightment ?” [“Qu’est-ce que les Lumières ?”], in Dits et écrits, Paris, Gallimard, “Bibliothèque des sciences humaines”, 1994, IV, n°339 [1984], p.568-571.

Cette “introduction”  de Jean-Paul Sartre est par la suite devenue un livre intitulé Baudelaire (Paris, Gallimard, 1947 ; “Folio/Essais”, 1988).

Il faudrait aussi faire une place aux analyses du poème en prose “La fausse monnaie” (Le Spleen de Paris, XXVIII) proposées par Jacques Derrida dans Donner le temps. 1. La fausse monnaie (Paris, Galilée, “La philosophie en effet”, 1991, chapitres 3 et 4).

Il faut rappeler que seuls trois textes du livre initialement projeté par Benjamin ont été écrits : Le Paris du second Empire chez Baudelaire (ce texte est lui-même composé de trois parties, à valeur d’analyse sociologique ou de critique sociale : “La bohême”, “Le flâneur” et “La modernité”) ; Sur quelques thèmes baudelairiens (qui comporte une suite argumentée de 12 paragraphes) et Zentralpark (qui reprend et prolonge, sous la forme de fragments, certains des thèmes présentés dans le texte central, dans lequel paraît en réalité se concentrer le propos philosophique de Benjamin).

Lettre à Horkheimer du 16 avril 1938, citée dans la préface de J. Lacoste à Charles Baudelaire, p.11.

Paris, capitale du XIXe siècle, Paris, Cerf, 1989, p.476.

Nous renvoyons ici aux analyses de Régine Robin dans “L’écriture flâneuse”, in Philippe Simay (dir.), Capitales de la modernité. Walter Benjamin et la ville, Paris-Tel Aviv, Editions de l’éclat, “Philosophie imaginaire”, 2005, p.37-54.

Comme le souligne Jean Lacoste dans l’une de ses précieuses notes, la notion de “fantasmagorie” est centrale dans la philosophie de l’histoire de Benjamin. Elle “vient de Marx et de l’analyse du fétichisme : dans le capitalisme le rapport social des hommes entre eux « prend la forme fantasmagorique d’un rapport entre les choses » (Das Kapital, Marx-Engels Werke, t 23, p.86 ; Le Capital, trad. fr. J. Roy, I, t. 1, Paris, Editions sociales, 1969, p.85). […] La fantasmagorie est une «illusion » (Poésie et révolution, trad. fr. M. de Gandillac, Paris, Denoël, “Les Lettres nouvelles”, 1971, p.137), une « transfiguration » qui détourne le regard de l’homme de la réalité et qui le distrait (Poésie et révolution, p.129), un « voile » (Poésie et révolution, p.133) et une « ivresse »” (Charles Baudelaire, p.260, note 7).

Charles Baudelaire, “Le Paris du second Empire chez Baudelaire”, p.100.

Ibid., p.103-104.

Sur la notion de “distraction”, voir Régine Robin, art. cit., p.43-45, où il est montré que Benjamin est ici très proche des analyses de Siegfried Kracauer (notamment dans “Culture de la distraction”, in Le voyage et la danse, Presses Universitaires de Vincennes, 1996).  

Jean Lacoste, L’idée de beau, Paris, Bordas, 1986, p.139.

Charles Baudelaire, Fusées.

Charles Baudelaire, “Sur quelques thèmes baudelairiens”, p.160.

Ibid., p.163.

Ibid., p.179.

Cité par Benjamin, Ibid., p.182.

Georg Simmel, “Métropoles et mentalité” ou “Les grandes villes et la vie de l’esprit” [Grossstädte und Geistigeslebens, 1903], repris dans Philosophie de la modernité, Paris, Payot, 1989. Sur le rapport entre Benjamin et Simmel, voir Graeme Gilloch, “Optique urbaine. Le film, la fantasmagorie et la ville chez Benjamin et Kracauer”, in Ph. Simay (dir.), Capitales de la modernité, p.111-113.

Cité par Benjamin dans Charles Baudelaire, “Sur quelques thèmes baudelairiens”, p.178.

Charles Baudelaire, “Sur quelques thèmes baudelairiens”, p.179.

Ibid., p.180.

Ibidem.

Ibidem.

Ibid., p.183. Voir aussi dans les “Notes sur les Tableaux parisiens de Baudelaire” (1939), toujours à propos de L’Homme des foules de Poe, ce raccourci étonnant - et au fond assez discutable : “Ce passant dans une foule exposé à être bousculé par les gens qui se hâtent en tous sens, est une préfiguration du citoyen de nos jours quotidiennement bousculé par les nouvelles des journeaux et de la T.S.F. et exposé à une suite de chocs qui atteignent parfois les assises de son existence même. […] [Baudelaire] a bien senti la menace que les foules des grandes villes constituent pour l’individu et pour son aparté” (in Ecrits français, Paris, Gallimard, “Folio/Essais”, 1991, p.308-309).

Walter Benjamin, “A propos de quelques motifs baudelairiens”, in Écrits français, p.317.

Sigmund Freud, “Au-delà du principe de plaisir”, in Essais de psychanalyse, trad. fr. S. Jankélévitch, Paris, Payot, 1967, p.31 ; cité par Benjamin dans Charles Baudelaire, “Sur quelques thèmes baudelairiens”, p.156.

Charles Baudelaire, “Sur quelques thèmes baudelairiens”, p.160.

Ibid., p.159.

Sur cette distinction, voir Régine Robin, art. cit., p.46.

Dans son article sur “Le narrateur. Réflexions à propos de l’œuvre de Nicolas Leskov” (1936), Benjamin évoque dans le même sens la baisse du cours de l’expérience qu’il rapporte à l’impact de la grande guerre (cf. Écrits français, p.265).

Benjamin cite à plusieurs reprises la première strophe du “Soleil” de Baudelaire, où selon lui le poète présente une image de son propre travail poétique, important l’expérience du choc lié à la grande ville dans le langage lui-même :

“Le long du vieux faubourg, où pendent aux masures,

Les persiennes, abri des secrètes luxures,

Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés

Sur la ville et les chmaps, sur les toits et le blés,

Je vais m’exercer seul à ma fanstasque escrime,

Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,

Trébuchant sur les mots comme sur les pavés,

Heurtant parfais des vers depuis longtemps rêvés”

(Baudelaire, “Le Soleil”, in Les Fleurs du mal, “Tableaux parisiens”, XC ; cité par Benjamin notamment p.161).

 

Charles Baudelaire, “Sur quelques thèmes baudelairiens”, p.161.

Ibidem.

Ibid., p.189.

Graeme Gilloch, art. cit., p.114.

Ibid., p.162 (nous soulignons).

Ibidem.

Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, « Dédicace » à Arsène Houssaye.

Voir Jean Lacoste, L’Aura et la rupture. Walter Benjamin, Paris, Maurice Nadeau, 2003, p.97.

Charles Baudelaire, “Sur quelques thèmes baudelairiens”, p.207.

L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique”, in Écrits français, p.183.

Charles Baudelaire, “Sur quelques thèmes baudelairiens”, p.200.

Ibid., p.201. Benjamin critique de ce point de vue le daguerréotype qui forçait l’homme “à regarder (longuement d’ailleurs) un appareil qui recevait l’image de l’homme sans lui rendre son regard” (p.199).

Sur ce thème du “déclin de l’aura”, voir Peter Bürger, “Walter Benjamin : contribution à une théorie de la culture contemporaine”, in Revue d’esthétique, “Walter Benjamin”, Nouvelle série, n°1, 1981, p.25-27 ; voir aussi l’analyse de Jürgen Habermas, “L’actualité de Walter Benjamin. La critique : prise de conscience ou préservation”, Ibid., p.116-118.

Nous suivons ici les remarques de Peter Bürger dans “L’ « héroïsme de la vie moderne ». L’allégorie chez Baudelaire”,La Prose de la modernité, trad. fr. M. Jimenez, Paris, Klincksieck, “Esthétique”, 1994, notamment, p.100-107.

Régine Robin, art. cit., p.46. Ce thème de l’allégorie, qui place l’existence sous le signe de la fragmentation [Zerbrochenheit], est au cœur de l’interprétation que Benjamin donne du drame baroque allemand (L’origine du drame baroque allemand, Paris, Flammarion, 1985).

Charles Baudelaire, “Perte d’auréole”, in Le Spleen de Paris, XLVI.

Charles Baudelaire, Du vin et du haschisch, in Les Paradis artificiels, Paris, Librairie Générale Française, “Le Livre de Poche”, p.64 ; cité par Benjamin dans Charles Baudelaire, p.117-118.

Voir Régine Robin, art. cit., p.47.

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